• PRINTEMPS 2

      PRINTEMPS 2



    À Célimène

    Je ne vous aime pas, ô blonde Célimène,
    Et si vous l’avez cru quelque temps, apprenez
    Que nous ne sommes point de ces gens que l’on mène
    Avec une lisière et par le bout du nez ;
    Je ne vous aime pas… depuis une semaine,
    Et je ne sais pourquoi vous vous en étonnez.

    Je ne vous aime pas ; vous êtes trop coquette,
    Et vos moindres faveurs sont de mauvais aloi ;
    Par le droit des yeux noirs, par le droit de conquête,
    Il vous faut des amants. (On ne sait trop pourquoi.)
    Vous jouez du regard comme d’une raquette ;
    Vous en jouez, méchante… et jamais avec moi.

    Je ne vous aime pas, et vous aurez beau faire,
    Non, madame, jamais je ne vous aimerai.
    Vous me plaisez beaucoup ; certes, je vous préfère
    À Dorine, à Clarisse, à Lisette, c’est vrai.
    Pourtant l’amour n’a rien à voir dans cette affaire,
    Et quand il vous plaira, je vous le prouverai.

    J’aurais pu vous aimer ; mais, ne vous en déplaise,
    Chez moi le sentiment ne tient que par un fil…
    Avouons-le, pourtant, quelque chose me pèse :
    En ne vous aimant pas, comment donc se fait-il
    Que je sois aussi gauche, aussi mal à mon aise
    Quand vous me regardez de face ou de profil ?

    Je ne vous aime pas, je n’aime rien au monde ;
    Je suis de fer, je suis de roc, je suis d’airain.
    Shakespeare a dit de vous : « Perfide comme l’onde » ;
    Mais moi je n’ai pas peur, car j’ai le pied marin.
    Pourtant quand vous parlez, ô ma sirène blonde,
    Quand vous parlez, mon cœur bat comme un tambourin.

    Je ne vous aime pas, c’est dit, je vous déteste,
    Je vous crains comme on craint l’enfer, de peur du feu ;
    Comme on craint le typhus, le choléra, la peste,
    Je vous hais à la mort, madame ; mais, mon Dieu !
    Expliquez-moi pourquoi je pleure, quand je reste
    Deux jours sans vous parler et sans vous voir un peu.

    Alphonse Daudet, Les Amoureuses, 1858

     

     

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  • PRINTEMPS 1

     

    PRINTEMPS 1


    A ce Printemps perdu

    A ce Printemps perdu
    où nous nous sommes aimés
    au bord de la rivière
    un jour du mois de Mai

    A ce Printemps perdu
    où l’on sent le bonheur
    quitter cette espérance
    qu’on laisse et ne voit plus

    A ce Printemps perdu
    et à la renaissance
    d’une passion si belle
    Vie qui n’existe plus

    A ce Printemps perdu
    et aux charmants oiseaux
    et à ces chants d’idylles
    belles, mises à nu

    A ce Printemps perdu
    Comme un beau violon
    aux cordes abimées
    Qu’on n’entendra plus jamais

    A ce Printemps perdu
    et à ces vieilles pierres
    un jour au coeur des vignes
    qui ne seront plus là

    Elodie Santos, 2008
     

     

     

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  • KIT PRINTEMPS 9

     

    KIT PRINTEMPS 9

    Les Soleils de Mai

    D’un souffle virginal le plus aimé des mois
    Emplit l’air ; le lilas aux troncs moussus des bois
    Suspend sa grappe parfumée ;
    Les oiseaux sont joyeux et chantent le soleil ;
    Tout sourit ; du printemps, tout fête le réveil :
    Toi seule es triste, ô bien-aimée !

    « Pourquoi ces yeux rêveurs et ce regard penché ?
    De quel secret ennui ton cœur est-il touché ?
    Qu’as-tu ma grande et pâle Amie,
    Qu’as-tu ? Vois ce beau ciel sourire et resplendir !
    Oh ! souris-moi ! Je sens mon cœur s’épanouir
    Avec la terre épanouie.

    « Sur le cours bleu des eaux, au flanc noir de la tour,
    Regarde ! l’hirondelle est déjà de retour.
    Ailes et feuilles sont décloses.
    C’est la saison des fleurs, c’est la saison des vers.
    C’est le temps où dans l’âme et dans les rameaux verts
    Fleurissent l’amour et les roses.

    « Soyons jeunes ! fêtons le beau printemps vainqueur !
    Quand on est triste, Amie, il fait nuit dans le cœur ;
    La joie est le soleil de l’âme !
    Oublions ce que l’homme et la vie ont d’amer !
    Je veux aimer pour vivre et vivre pour aimer,
    Pour vous aimer, ma noble Dame !

    « Loin de nous les soucis, belle aux cheveux bruns !
    Enivrons-nous de brise, et d’air et de parfums,
    Enivrons-nous de jeunes sèves !
    Sur leurs tiges cueillons les promesses des fleurs !
    Assez tôt reviendront l’hiver et ses rigueurs
    Flétrir nos roses et nos rêves ! »

    Et, tandis qu’il parlait, muette à ses côtés,
    Marchait la grande Amie aux regards veloutés ;
    Son front baigné de rêverie
    S’éclairait à sa voix d’un doux rayonnement ;
    Et, lumière de l’âme, un sourire charmant
    Flottait sur sa lèvre fleurie.

    Auguste Lacaussade, Poèmes et Paysages, 1897


     

     

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