• CARNAVAL 3 2022

    CARNAVAL 3


    Premier soleil

    Italie, Italie, ô terre où toutes choses
    Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
    Paradis où l’on trouve avec des lauriers-roses
    Des sorbets à la neige et des ballets divins !

    Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
    Voici qu’on pense à toi, car voici venir mai,
    Et nous ne verrons plus les redingotes longues
    Où tout parfait dandy se tenait enfermé.

    Sourire du printemps, je t’offre en holocauste
    Les manchons, les albums et le pesant castor.
    Hurrah ! gais postillons, que les chaises de poste
    Volent, en agitant une poussière d’or !

    Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle,
    Et ce matin j’ai vu mademoiselle Ozy
    Près des Panoramas déployer son ombrelle :
    C’est que le triste hiver est bien mort, songez-y !

    Voici dans le gazon les corolles ouvertes,
    Le parfum de la sève embaumera les soirs,
    Et devant les cafés, des rangs de tables vertes
    Ont par enchantement poussé sur les trottoirs.

    Adieu donc, nuits en flamme où le bal s’extasie !
    Adieu, concerts, scotishs, glaces à l’ananas ;
    Fleurissez maintenant, fleurs de la fantaisie,
    Sur la toile imprimée et sur le jaconas !

    Et vous, pour qui naîtra la saison des pervenches,
    Rendez à ces zéphyrs que voilà revenus,
    Les légers mantelets avec les robes blanches,
    Et dans un mois d’ici vous sortirez bras nus !

    Bientôt, sous les forêts qu’argentera la lune,
    S’envolera gaîment la nouvelle chanson ;
    Nous y verrons courir la rousse avec la brune,
    Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson !

    Bientôt tu t’enfuiras, ange Mélancolie,
    Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts.
    Débouchez de ce vin que j’aime à la folie,
    Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers.

    Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête
    Ainsi qu’une épousée, et Paris est charmant.
    Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte,
    Parle ! nous t’écoutons avec ravissement.

    C’est le temps où l’on mène une jeune maîtresse
    Cueillir la violette avec ses petits doigts,
    Et toute créature a le coeur plein d’ivresse,
    Excepté les pervers et les marchands de bois !

    Théodore de Banville (1823-1891) 

    Sylvie Erwan 

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  • Kit printemps 10

    Kit printemps 10

    Kit printemps 10 FAIT

     Kit printemps 10

     

    Les Soleils de Mai

    D’un souffle virginal le plus aimé des mois
    Emplit l’air ; le lilas aux troncs moussus des bois
    Suspend sa grappe parfumée ;
    Les oiseaux sont joyeux et chantent le soleil ;
    Tout sourit ; du printemps, tout fête le réveil :
    Toi seule es triste, ô bien-aimée !

    « Pourquoi ces yeux rêveurs et ce regard penché ?
    De quel secret ennui ton cœur est-il touché ?
    Qu’as-tu ma grande et pâle Amie,
    Qu’as-tu ? Vois ce beau ciel sourire et resplendir !
    Oh ! souris-moi ! Je sens mon cœur s’épanouir
    Avec la terre épanouie.

    « Sur le cours bleu des eaux, au flanc noir de la tour,
    Regarde ! l’hirondelle est déjà de retour.
    Ailes et feuilles sont décloses.
    C’est la saison des fleurs, c’est la saison des vers.
    C’est le temps où dans l’âme et dans les rameaux verts
    Fleurissent l’amour et les roses.

    « Soyons jeunes ! fêtons le beau printemps vainqueur !
    Quand on est triste, Amie, il fait nuit dans le cœur ;
    La joie est le soleil de l’âme !
    Oublions ce que l’homme et la vie ont d’amer !
    Je veux aimer pour vivre et vivre pour aimer,
    Pour vous aimer, ma noble Dame !

    « Loin de nous les soucis, belle aux cheveux bruns !
    Enivrons-nous de brise, et d’air et de parfums,
    Enivrons-nous de jeunes sèves !
    Sur leurs tiges cueillons les promesses des fleurs !
    Assez tôt reviendront l’hiver et ses rigueurs
    Flétrir nos roses et nos rêves ! »

    Et, tandis qu’il parlait, muette à ses côtés,
    Marchait la grande Amie aux regards veloutés ;
    Son front baigné de rêverie
    S’éclairait à sa voix d’un doux rayonnement ;
    Et, lumière de l’âme, un sourire charmant
    Flottait sur sa lèvre fleurie.

    Auguste Lacaussade, Poèmes et Paysages, 1897

      

    Sylvie Erwan 

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  • Kit 14

    Kit 14

    La tristesse du vent

    Que veux-tu répondre au vent qui soupire,
    Au vent qui te dit le chagrin des choses,
    Le trépas des lis, des lilas, des roses,
    Et des clairs essaims gelés dans la cire ;
    Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?

    Il dit qu'il est triste et las de conduire
    Le gémissement de tout ce qui souffre,
    De frôler toujours ce qui tombe au gouffre,
    De passer partout où la vie expire ;
    Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?

    Lui répondras-tu qu'un cœur peut suffire.
    Un seul cœur humain chantant dans la joie,
    Pour le consoler de sa longue voie
    Sur les champs sans fin que l'hiver déchire ;
    Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?

    Où trouveras-tu ce cœur qui désire
    Rester ce qu'il est en sa calme fête,
    Le cœur qui n'ait point de douleur secrète,
    Pour laquelle il n'est ni baume, ni myrrhe ;
    Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?

    Sera-ce ton cœur, et faut-il te dire
    Que le vent prendrait sur tes lèvres closes
    Un chagrin plus grand que celui des choses,
    Et dans ton regard, un plus haut martyre ;
    Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?

    Alors réponds-lui, de ton cher sourire,
    Qu'il ne frôle pas les âmes humaines,
    S'il ne veut porter de plus lourdes peines
    Que celles qu'il cueille en son vaste empire ;
    Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?
    Auguste Angellier.

    Sylvie Erwan 

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