• Poème Mardi gras

    CARNAVAL 1 2022

    CARNAVAL 1 2022


    Poème Mardi gras

    Aussi fou qu'un essaim de guêpes,
    Car il ne faut pas qu'on s'y trompe,
    Mardi-gras, qui mange des crêpes,
    Est venu, sonnant de la trompe.

    Donc, mon ami Paul, et toi, Lise,
    Amusez-vous. Ce qu'on achève
    Et qu'à propos on réalise,
    N'est plus dans le pays du rêve.

    Mais n'allez pas au bal. C'est triste.
    C'en est fini du Veau qui tette,
    Et lointain comme un guitariste,
    Chicard n'est plus qu'une épithète.

    Donc, Lise, dont le fier corsage
    Cache mal un sein couleur d'ambre,
    Et toi, Paul, croyez un vieux sage:
    Faites le bal dans votre chambre.

    Amants fiers de porter des chaînes,
    Dansez un pas naturaliste!
    Voyagez aux rives prochaines,

    Comme le veut mon fabuliste.

    Je le sais bien, moi que la Muse
    A dressé pour son dithyrambe,
    En nul endroit on ne s'amuse
    Mieux que devant un feu qui flambe.

    Pour le carnaval, trop précaire,
    Il faut pourtant qu'on se déguise;
    Si l'on veut, en Robert Macaire,
    Et s'il le faut, en duc de Guise.

    Toi, Paul, mets ta chemise russe,
    Et toi, Lise aux charmantes poses,
    Déguise-toi, pleine d'astuce,
    En femme qui met des bas roses.

    Et soupez! Lise, fleur humaine,

    Si l'on peut t'adorer comme ange,
    Pour imiter le fils d'Alcmène
    Il est essentiel qu'on mange.

    Si tu veux que Paul sur tes lèvres
    Se livre aux plus tendres sévices,
    Sur une assiette de vieux Sèvres
    Épluche-lui des écrevisses.

    Et pour mêler toutes les joies,
    Commande, ô guerrière jalouse,
    La fine terrine de foies
    Gras, chez Tivollier de Toulouse.

    L'Éden, il faudrait que tu l'eusses,
    O femme du ciel émanée!
    Pour cela, bois du Lur Saluces
    Après un peu de Romanée.

    O Paul, sois prévoyant! Profite
    Du temps où tu n'es pas obèse,
    Et tandis que Lise t'invite,
    Baise sa bouche, et la rebaise.

    Car ce bonheur, que tu répètes,
    Vaut bien les douleurs éternelles
    D'entendre hurler des trompettes
    Et de voir des polichinelles!

    5 mars 1889.

     Théodore De Banville  

    Sylvie Erwan 

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

  • Commentaires

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :